![صورة مع المايكروفون[1]](https://lesimposteurs.blog/wp-content/uploads/2018/11/d8b5d988d8b1d8a9-d985d8b9-d8a7d984d985d8a7d98ad983d8b1d988d981d988d9861.jpg?w=599&h=401)
Poétesse et réalisatrice, Hala Mohammad est née à Lattaquié, au bord de la mer, en Syrie. Elle a réalisé plusieurs films documentaires dont le très remarqué Voyage à travers la mémoire (2006) qui suit trois intellectuels et anciens prisonniers d’opinion sur le lieu de leur détention, la prison de Palmyre. Ses recueils de poésie en langue arabe, Sur cette douce blancheur (1998), Un peu de vie (2001), Cette peur (2004), Comme si je frappais à ma porte (2008), Le Papillon a dit (2013), ont été publiés à Beyrouth. Elle vit à Paris depuis le début des événements qui déchirent son pays natal.
À chaque fois que je termine un recueil, je me jette dans le commencement, le commencement est un moment plein de silence, plein de promesses. Le commencement est un moment d’égalité, démocratique, où il n’y a ni vaincus ni vainqueurs. Un moment où on a le choix de prendre notre propre chemin plein d’espoir. C’est l’opposé du vide qui est un chemin unique, sans issue, sans pluralité, imposé. Un prisonnier oublié. Oui, c’est l’oubli.
Dans mon enfance les poètes itinérants passaient souvent, tardivement dans la nuit, chez nous dans notre village. Ils étaient de la famille lointaine de mon père. Ils nous chantaient les épopées de la poésie classique arabe. La voix de ma mère aussi qui chantait toujours à la maison, des chansons traditionnelles qui racontent l’amour, le courage, la nostalgie et l’humour… Je crois que la poésie pour moi c’était cette appartenance à cet univers du mot, à l’imaginaire du mot. L’imaginaire c’est la première conscience de l’inconscient.
Il y a effectivement une diaspora syrienne en Europe et en France : plasticiens, écrivains, journalistes, musiciens, chanteurs, poètes, etc. Le régime du dictateur a menacé les artistes et les intellectuels pacifiques et démocrates. C’est un régime cruel au point qu’il se croit capable de nous arracher nos rêves. C’est pour cela qu’il y a tant de Syriens qui meurent sous la torture, que des centaines de milliers de prisonniers d’opinion sont derrière les barreaux. Tout cela pour punir un peuple qui a osé réclamer un pays libéré de toutes les barbaries.
Enfant, je parlais à travers ma mère, mes sœurs, mes frères, mon père, tous ceux qui m’entouraient, et plus tard, mon fils. J’étais fascinée par ce que racontent les êtres silencieux… les papillons, les fenêtres, l’amour, la robe fleurie de ma mère et sa dent dorée. Nous étions une famille nombreuse. Il y avait un équilibre entre la parole et l’écoute. J’étais l’un des gardiens de cet équilibre. La poésie, c’est peut-être la trace, c’est écrire le silence.
Je lis de la poésie et je lis d’autres choses que de la poésie, de la littérature arabe. Parmi les poètes : Mahmoud Darwich, le grand poète palestinien, le poète irakien Padr Shaker Al Sayab, le poète syrien Mohammed Al Magouth, le poète libanais Bassam Hajjar… Mes influences viennent aussi des chants. J’aime me retrouver dans le mystère de la voix. Le cinéma aussi. De la beauté qui donne confiance et permet d’aimer.
Peut-être. La poésie est une narration intime. Tout est narration… au commencement était la perte, personne n’arrive seul à porter le poids de la perte. Alors est née la narration pour alléger la souffrance. Chacun porte un bout de l’histoire. La poésie allège la souffrance.
Que pensez-vous de ces paroles du poète Jean-Pierre Siméon pour qui la poésie est toujours « force d’objection radicale » ?
Un pays est une histoire sans fin. La Syrie est occupée par cinq forces actuellement : les Russes, les Iraniens, les Turcs, les Américains, et les extrémistes dans le même panier que le régime. Au fil d’histoire, il y a eu des happy ends. J’en espère un qui honore le courage de mon peuple qui a subi autant d’actes de barbarie. Un pays est une histoire sans fin. Tous ces écrits, c’est pour construire notre mémoire. C’est contre l’oubli. Ce sont les chemins qui mènent à la justice. Au bonheur.
J’aime beaucoup la langue française, mais pour que je puisse écrire et vivre l’écriture en français, je crois que je dois redevenir enfant. J’aurais tant aimé avoir ce temps… J’essaye. Mon fils écrit en français, c’est sa langue maternelle. Il y a des traducteurs et j’aime le partage. La traduction est une fenêtre qu’on ouvre vers l’autre, vers soi, qui donne sur la terre du partage. Cette terre de partage, c’est ma patrie.
Quels sont aujourd’hui vos projets ?
Superbe témoignage…
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